Sand's in our eyes. |Julian

C’avait encore été des jours compliqués. Non pas que ce soit une franche surprise, mais Feargus se sentait épuisé comme il l’avait rarement été. Mentalement, plus que physiquement. Il avait du mal à trouver le sommeil, et celui-ci était souvent agité et peu réparateur. Des bribes de souvenirs se mêlaient à ses rêves, sans qu’il ne parvienne jamais à s'en rappeler complètement à son réveil, la mémoire d'un vacarme assourdissant et de la peur, cette peur qui le prenait aux entrailles et ne lui accordait aucun répit, les seules choses tangibles qu'il lui reste à son réveil.

Ce matin-là il s'était fait tirer de ses cauchemars par un bruit strident, réveillé en sursaut et nécessitant quelques minutes avant de remettre ses pensées en ordre. C'était également devenu une nouvelle coutume, se sentir perdu lorsqu'il ouvrait les yeux avant de se rappeler que tout ceci était en fait bien réel. Qu'il était de retour, d'une certaine façon, mais plus lui.
La sonnette se fit plus insistante, le forçant à s'extirper rapidement à ses contemplations matinales.

« J'arrive ! » Cria-t-il machinalement tandis qu'il rabattait les draps, quoiqu'incertain d'être entendu.

Encore en pyjama, il arbora un superbe air confus (qui ne le quittait plus non plus depuis son réveil) à la vue d’une inconnue. Il n’eut pas le temps de verbaliser son étonnement que la femme face à lui (Andrea) se présenta comme bénévole du Black Cat Club, dépêchée pour l’aider à se rendre à son rendez-vous en centre-ville. Ah, oui, il avait oublié. Après l’aide que lui avait apporté Colin pour savoir quoi faire, c’est-à-dire s’enregistrer, on avait jugé bon de lui planifier une entrevue avec un médecin pour être au courant des antécédents de son hôte. Autant ne pas se tuer à peine revenu par ignorance…

Toujours incertain du fonctionnement d’un salle de bain et d’une douche, il mit un peu de temps à se préparer puis ils furent bons pour partir (cette fois Feargus n’oublia pas les lunettes de soleil diligemment posées sur le vide-poches du vestibule).
Le trajet en voiture fut… Tout aussi compliqué que son prédécesseur. Le revenant évita cette fois de hurler au moindre soubresaut de l’engin, mais ça ne l’empêchait pas de s’accrocher comme un dément à son siège parce que bon sang cette fois c’était la bonne ils allaient mourir pour de vrai-

Il lâcha un soupir de soulagement lorsqu’ils marquèrent enfin un arrêt final. Les environs n’étaient pas totalement inconnus à Feargus ; il se souvenait être passé par là le jour où il avait rencontré le prêtre, mais il doutait être déjà en mesure de s’y déplacer seul sans risquer de se perdre.
Andrea l’aida à se défaire de sa ceinture de sécurité -ce maudit serpent-, puis le guida d’un pas sûr à travers les rues tout en lui parlant de banalités d’une voix rassurante. Le revenant n’en était pas complètement mécontent, cependant il ne lui offrait que peu de retour verbal. Il était encore par trop d’égards bien mal à l’aise dans les rues si bondées du centre-ville, et toute son attention était dirigée à ne pas risquer de frôler le moindre passant.

Finalement ils s’arrêtèrent devant une porte jouxtée par plusieurs plaques dorées, le temps pour sa bienfaitrice de… faire quelque chose. Annoncer leur présence, sûrement. Feargus eut à peine le temps de déchiffrer péniblement les mots "Cabinet de médecine" qu’un « tuc » indiqua l’ouverture de la porte. Une fois les pieds dans l’entrée dudit cabinet, le rouquin avait l’air aussi perdu qu’il se le sentait ; observant les moindres détails de ce lieu aussi étrange qu’à l’air aseptisé.
Andrea l’avait laissé seul le temps d’aller discuter avec une autre personne, puis revint quelques instants plus tard (autant dire une éternité) pour lui indiquer que le Docteur Hastings allait bientôt le recevoir, qu’il n’avait pas à s’inquiéter car c’était un homme très compétent et habitué de ces « situations » et qu’elle reviendrait le chercher quand ce serait fini.
Une expression sympathisante sur le visage, elle voulut finir ses explications d’une main compatissante sur son bras ; que Feargus esquiva aussitôt. Elle ne s’en formalisa pas, ou du moins ne le montra pas, se contentant finalement de le saluer avant de partir.

On le dirigea vers la salle d’attente, aux chaises en plastique légèrement trop petites pour ses longues guiboles, où il patienta comme un enfant se prépare à être puni.