Maximilien Steinway ☽ What did you do ?

« Tu as tous tes papiers ? » Un large sourire se dessina sur les lèvres de ta fille tandis qu’elle ouvrait son dossier contenant les papiers en question. « J’ai hâte ! Tu ris doucement alors que tu passais une main dans ses cheveux. Ta fille franchisait une nouvelle étape dans sa vie et tu pouvais seulement en être fier et surtout tu étais comblé de pouvoir l’accompagner. « Allons-y ! » Vous aviez rendez-vous dans une dizaine de minutes avec un banquier pour l’ouverture du compte de Romy. Ensuite, comme elle le souhaitait, elle pourrait se trouver un petit travail et mettre ses sous de côté « pour acheter son propre cheval » te disait-elle souvent. Tu la connaissais assez pour savoir qu’elle risquait de changer plusieurs fois d’idées d’ici là. Après tout, elle était une adolescente aux mille et une passions. Tantôt elle voudrait un nouvel ordinateur, ensuite un nouveau téléphone, elle voudrait voyager aux USA, elle voudrait des tonnes de vêtements etc. Ce n’était pas grave, ça serait son argent maintenant, non ? … Enfin c’est comme cela que ça aurait dû se passer, mais vous aviez eu le malheur de prendre votre rendez-vous au mauvais moment. Jamais les choses n’auraient dû dégénérer comme ça et même avec la meilleure volonté du monde, tu n’avais rien pu y changer. Le directeur de la banque n’avait pas été aussi compréhensif que les braqueurs l’auraient souhaité. Les choses étaient parties dans tous les sens, les braqueurs avaient commencé à paniquer et la tension avait monté d’un cran. Toi, la seule chose qui t’importait vraiment, c’était la sécurité de ta fille et pour ça, tu avais tout donné. Tu avais donné ta propre vie pour qu’elle sorte de cet endroit. Tu ne gardes pas beaucoup de souvenirs de ce qui s’est passé à l’intérieur de cette banque. Tu sais juste que Romy a pu sortir avant que tu te retrouves allongé au sol, une balle en plein ventre. Ensuite, le temps s’est arrêté pour toi. Tu as fixé le plafond sans vraiment le voir, tu as arrêté de comprendre ce qui s’est passé autour de toi… Tu as réfléchi. Tu as remis toute ta vie en question… Les bons comme les mauvais moments.

En premier lieu, tu as pensé à tes parents. Ta pauvre mère n’allait jamais s’en remettre. Après la mort de son époux l’an dernier, elle avait quitté son Édimbourg natal pour te rejoindre à Northwich afin de ne pas être seule. Elle avait voulu s’approcher de son fil unique et de ses petits-enfants. Tu regrettais pour elle qu’elle n’ait jamais réussi à avoir la grande famille dont elle rêvait tant. Peut-être que ta perte aurait été moins lourde à son cœur. Tu avais été son bébé miracle, celui qu’elle avait chéri toute sa vie et pour qui elle avait tout donné. Tu avais eu la chance d’être un enfant aimé et gâté. Tu étais né dans une jolie maison d’Édimbourg où tu avais passé toute ton enfance et ton adolescence. Tes parents avaient accepté d’investir dans tous les sports et activités que tu avais voulu pratiquer. Tu étais passé par le foot, la natation, l’escrime, le tennis, la danse, le piano, le dessin, la sculpture pour finir sur l’équitation. On t’avait rien refusé te laissant te découvrir et voir ce qui te plaisait vraiment. Et contre toute attente, tu as développé un amour très particulier pour les chevaux. Tu avais une connexion avec eux et tu as débuté les courses de chevaux. Tu as dû t’entraîner fort pour rattraper ton retard ayant découvert cette passion plus tard que les autres et n’ayant pas le même lien que les autres avec le cheval que tu montais. Mais tu l’as fait. Le premier cheval avec qui tu as concouru s’appelait Murphy et c’était celui d’un ami de tes parents. Ce n’était pas le plus endurant, mais vous avez fait des jolies choses ensemble. Tu l’as aimé ce cheval, si fort… Tu l’as même racheté avec les sous remportés en compétition. Décision que ton père a toujours trouvé idiote, car tu aurais dû investir dans un nouveau poulain de compétition avant d’acheter un vieux cheval près de la retraite. Toi, tu n’as jamais regretté d’avoir gardé Murphy jusqu’au bout.  

En second lieu, tu ne voulais pas penser à ta propre famille pour la simple raison que ça te brisait le cœur. Ils allaient souffrir et tu ne voulais pas ça pour eux. Tu avais toujours voulu qu’ils soient heureux. Tu ne pus retenir une larme de s’échapper de ton regard dans ce moment fatidique. Tu n’allais jamais les revoir. Il te fut impossible de ne penser à ta Moïra, de voir son magnifique visage illuminer tes pensées et ton esprit. Elle était tellement belle… Son sourire allait te manquer, son être entier allait te manquer.. Tu aurais tellement voulu la prendre une dernière fois dans tes bras pour lui murmurer pendant des heures que tu l’aimais. Que tu n’avais aimé qu’elle. On t’avait dit qu’elle serait seulement une histoire d’adolescence, un premier amour qui n’allait jamais perdurer et à lequel il ne fallait pas s’attacher. Elle fut tellement plus que cela. Elle est devenue l’amour de ta vie, le seul et l’unique. Tu avais tout juste 19 ans lorsque tu l’as rencontré. Depuis, vous ne vous êtes jamais lâchés. À peine une année plus tard, la vie vous a donné un petit trésor. Ce n’était pas prévu, ça a pris tout le monde au dépourvu, mais vous avez pris vos responsabilités. Tu avais 20 ans quand tu es devenue papa de la petite Romane qui avait eu le malheur d’être présente avec toi aujourd’hui. Heureusement pour elle, elle était sortie avant qu’on s’en prenne à toi… Tu n’aurais pas supporté qu’elle assiste à cette scène horrible. Tom non plus d’ailleurs… Ton second enfant, ton petit garçon de 8 ans. Un Maximilien junior tellement il cherchait à faire tout comme toi. Il aimait les chevaux tout autant, il avait commencé à courir et à participer des compétitions amicales.

On ne pouvait pas dire que tu avais été malheureux. Bien au contraire. Tu avais eu une belle famille, des magnifiques enfants avec un avenir prometteur – tu allais tant regretter de ne pas pouvoir les accompagner dans chaque étape de leur vie -. Tu avais également fait ce que tu voulais de ta vie. Avec ta femme, vous vous étiez installés à Northwich. Elle t’avait toujours soutenu et quand tu avais eu ce coup de cœur pour ce ranch dans cette région dans l’Écosse, elle t’avait encouragé à foncer. C’est là-bas que vous avez élevé votre famille. Avec les années, tu t’es procuré plusieurs chevaux, tu as commencé à donner des cours d’équitation aux jeunes et aux plus vieux passionnés, à côté, deux fois par année, tu organises un grand concours de course très médiatisé qui commence à faire concourir des cavaliers de l’étranger. Bref, tu as été heureux. Tu as pu vivre de ta passion, tu as pu continuer à courser à côté, le tout en vivant entouré de chevaux qui ont toujours été tout pour toi. Avant cet événement dramatique, avant cette mort qui te guettait dans les prochaines minutes, tu avais été heureux, tu avais été comblé et tu allais sans doute connaître une mort malheureuse. S’il y avait vraiment une vie après la mort, la sienne serait triste, loin de tous ceux que tu as aimés. Même si tu avais la chance de roder auprès d’eux, tu ne savais pas si tu allais y parvenir. La douleur serait si forte d’être aussi près et aussi loin d’eux à la fois. Tu n’allais pas supporter de voir ton épouse souffrir, tu n’allais pas réussir à la voir s’effondrer sans pouvoir la prendre dans tes bras pour lui dire que tout irait bien. La même chose du côté de tes enfants. Tu ne pourrais pas les guider, leur montrer la voie… Et pourtant, si tu avais une moindre chance de rester près d’eux, tu allais le faire. Tu aurais besoin de les voir évoluer, de t’assurer que tout irait bien.

Et pourtant… Lorsque la mort est finalement venue te chercher, tu n’en gardes aucun souvenir. Pas de lumière rassurante, pas de guide, pas de retour en tant que fantôme… Un simple trou noir et une perte totale de la notion du temps… Jusqu’à ce qu’on vienne te chercher. Tu n’as pas compris au départ, tu ne comprends pas toujours pas d’ailleurs. Pendant un certain temps, tu as eu l’impression d’être coincé dans un voile et dans l’impossibilité de retrouver ton chemin. Pendant des jours et des jours, tu t’es battu contre cette prise jusqu’à revoir ton ranch se dessiner devant tes yeux. Ton endroit favori au monde s’était matérialisé devant toi… Tu arrivais même à sentir le vent souffler dans tes cheveux… Tu avais l’impression d’être vivant de nouveau. La sensation était étrange. Était-ce ça la vie de fantôme ? … Ou bien c’était plus que ça ? Northwich avait ses particularités, tout le monde le savait, mais tu avais fait partie de ceux préférant se concentrer sur sa petite vie sans se soucier de ça. Est-ce qu’aujourd’hui, un petit peu plus d’un an après ta mort, tu avais pu bénéficier des pouvoirs de cet endroit ? Si oui, à quel prix ?